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Enidm
30 octobre 2008

Albert Londres

 

Albert_Londres

 

Albert Londres

 

Né en 1884 à Vichy, Albert Londres, qui se destinait à une carrière de poète, s’est très tôt rendu célèbre par ses articles et ses récits de voyages, publiés au début du siècle dans Le Petit Journal, Le Quotidien ou Le Petit Parisien, et a marqué plusieurs générations de journalistes. Il signe son premier article en 1914, il a couvert la Grande Guerre, la conquête de Fiume par D’Annunzio, la Révolution russe, le Tour de France cycliste, les chaos de la République chinoise, le scandale du bagne de Cayenne, les bataillons disciplinaires d’Afrique du Nord, la condition des aliénés dans les asiles de France, et l’évasion du forçat Dieudonné, la traite des noirs en Afrique et la traite des blanches en Argentine, les pêcheurs de perles de Djibouti et les terroristes dans les Balkans... Il est mort le 16 mai 1932 lors de l’incendie du paquebot George Philippar au retour d'un reportage en Chine dont on ne sait rien.

 

« Notre métier n’est ni de faire plaisir, ni de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie »

« Ma ligne, disait ce prince du reportage, ma seule ligne, la ligne de chemin de fer. »

 

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Dans la Russie des Soviets

En 1920, au prix de mille difficultés - et de mille détours-, Albert Londres parvient à s'infiltrer dans la Russie des Soviets. Il lui faut en effet cinquante-deux jours pour se rendre de Paris à Pétrograd (Saint-Pétersbourg). En France, son reportage fait sensation. Son journal, Excelsior, annonce à la une :
"M. Albert Londres est le premier journaliste français qui ait réussi à pénétrer jusqu'au cœur de la République des soviets."'

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Extrait :
Moscou, avril 1920
    Pardon! Il y a erreur. "Le bolchévisme est le dictature du prolétariat", avons-nous écrit l'un de ces jours derniers. Excusez-nous, c'était faux. Au premier contact nous avons été victime de la formule. "Dictature du prolétariat" est, en effet, la carte de Lénine, mais c'est une carte transparente, et c'est à la lumière qu'il faut la regarder. A la lumière, dictature du prolétariat de vient : Dictature, au nom du prolétariat, sur le prolétariat, comme sur le reste, par des non-prolétaires.

Ce seul extrait montre à quel point Albert Londres était libre et indépendant de ses opinions. Nous sommes en 1920, et à l'époque personne n'osait dire cela dans les journaux. Lui le faisait. Pourtant, ce n'était pas un homme de gauche, ni un révolutionnaire. Il n'était d'aucun parti. Mais l'injustice le révoltait.
C'est toujours avec une écriture un peu ironique qu'il assène ses quatre vérités mais il a le mérite de les dire.

 

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L'homme qui s'évada

En 1923, alors qu'il enquêtait sur le bagne de Guyane, Albert Londres avait fait la connaissance d'Eugène Dieudonné, jeune ébéniste condamné comme complice de la bande à Bonnot. Clamant son innocence, le prisonnier des îles du Salut avait impressionné le reporter qui avait vainement tenté d'obtenir une révision de son procès.
Dieudonné, dont le "cas" était devenu célèbre en France, réussit à s'évader du bagne.
En 1927, Albert Londres entreprend de retrouver le fugitif. Convaincu qu'il s'est réfugié au Brésil, il lui adresse plusieurs messages au nom du journal, puis décide de se rendre à Rio.
Dieudonné est au rendez-vous, et Albert Londres après avoir obtenu qu'on lui restitue son passeport, le ramène en France en octobre 1927.

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Extrait :
Dieudonné discute avec Albert Londres.

"C'est toujours un immense malheur d'être condamné sans motif ; c'en est un plus grand de l'avoir été dans le procès dit des "bandits tragiques". Depuis quinze ans, je l'expérimente. Vous pourrez l'écrire autant que vous le voudrez, le doute demeurera toujours dans les esprits. Les quarante-trois ans de ma vie honnête et souffrante n'effaceront pas la honte de la fausse condamnation. Les regards timides me fuiront toujours, les portes se fermeront.
Demain, un autre homme que vous me demandera :"Que faisiez-vous dans la bande à Bonnot?"
"Qu'il aille au diable!""

Un aviateur sortant de table vint me rejoindre sur la terrasse. Je lui présentai Dieudonné. On parla de l'histoire, bien entendu. Un moment plus tard, l'aviateur se pencha vers l'évadé :
- Enfin, lui demanda-t-il, que faisiez-vous dans la bande à Bonnot?

 

Dans cet ouvrage la parole est principalement donnée à Dieudonné qui raconte son évasion. Son histoire est absolument délirante.



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Chez les fous

En 1925, Albert Londres "trempe sa plume" dans une plaie méconnue : l'enfermement des malades mentaux tel qu'on la pratique à l'époque. Mêlant à sa manière toujours vivante et faussement naïve descriptions, portraits et interviews, Londres (après avoir même tenté, pour les besoins de son enquête, de se faire passer pour fou) dresse l'état des lieux des hôpitaux psychiatriques de la France de l'entre-deux-guerres : locaux vétustes, absence de soins, mauvais traitements...
Le bilan que fait le reporter après sa tournée des asiles est lourd et provoquera un tollé dans le milieu de la psychiatrie.

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Extrait :
Voilà qui est net, nous sommes en face d'une adresse de commerçant. Il s'appelle Philippe, il peint sur soie, il habite le pays de Saint-Charles en Gironde et le numéro de son registre commercial est 244. C'est dans le coin de ses factures, à droite.
Saint-Charles n'est pas une ville, c'est un asile. Philippe qui peint sur soie est un fou, et sa maison de commerce est sise dans son cabanon. [...].

Pourquoi Philippe devint-il fabricant?
Il me l'explique :
-Il me faut un million, car je veux sauver le monde. Il s'agit de démasquer la piraterie Shackleton. Vous croyez sans doute comme le reste des hommes que l'explorateur Shackleton est mort? Il est vivant, le bandit! L'annonce de son trépas est une nouvelle ruse de l'Angleterre. Shackleton a reçu de l'Angleterre la mission secrète d'arrêter l'évolution terrestre. Et voici le plan : il attend l'heure propice pour aller planter profondément au point pôle Sud une gigantesque antenne de platine. Ce que cela fera? Ignorance de mes contemporains! Cela fera simplement que la terre ainsi immobilisée ne tournera plus et que la moitié de ses habitants surpris alors la tête en bas seront précipités dans le gouffre du néant."



 

Ce livre m'a tout de suite fait penser à un documentaire que j'ai vu il y a quelques années. Il s'agit de "Titicut Follies" (1967) de Frederick Wiseman.
Interdit par la censure américaine de 1967 à 1991, "Titicut Follies", son premier film, montre sans détours l’effroyable quotidien vécu par les détenus de l’hôpital psychiatrique de Bridgewater, dans le Massachussets.

 

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Lorsque le film est présenté en 1967, l’état du Massachusetts est indigné, non contre la réalité à Bridgewater mais contre Wiseman. On l’accuse d’avoir manqué d’éthique, d’avoir diffamé le personnel et les médecins. Ces derniers porteront d’ailleurs plainte. On l’accuse aussi de pornographie : des malades auraient été filmés nus sans avoir donné leur consentement. Wiseman va se débattre en justice, invoquant le Premier Amendement de la Constitution garantissant la liberté de l’information. Hélas, les autorités sont contre lui. Il a montré ce que certains, trop vite, lui ont permis de voir. A l’issue du procès, le film est censuré. Seuls les milieux juridiques et médicaux auront le droit de le visionner.
Il faut attendre 1991 avant que "Titicut Follies" ne soit à nouveau autorisé pour tous les publics. "C’est le temps qui a légitimé mon film..." commente aujourd’hui Wiseman.

 

Wiseman est, pour moi, un des plus grands documentaristes. Une de ses particularités est de ne pas commenter ce qu'il filme. Il laisse le spectateur se faire sa propre opinion et n'intervient presque jamais. Je trouve que d'une certaine manière Albert Londres a un peu la même vision. C'est-à-dire qu'il énonce les choses, les gens, les actions mais ne commente pas au moment voulu. Je trouve qu'il y a un certain recul avec les choses qui me touche beaucoup dans ses ouvrages.

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