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Enidm
15 janvier 2009

L'Usage du monde

Nicolas Bouvier : L'usage du monde

9782600006002FS

 

"L'Usage du monde" est le récit de voyage par excellence. Un grand classique. Mais avant d'en arriver là, le chemin fût bien long.

Nicolas Bouvier est né le 6 mars 1929, près de Genève. Très tôt, il a le goût du voyage : Bourgogne, Toscane, Provence, Flandres, Sahara, Laponie, Anatolie... mais c'est en 1953, sans attendre les résultats de ses examens, qu'il décide de partir avec son ami dessinateur Thierry Vernet aux confins de l'Europe et de l'Asie.
Début juillet 1953, le jour du départ. Nicolas Bouvier charge la Fiat Topolino des quelques objets indispensables - un accordéon, un enregistreur pour fixer ces musiques serbes qu'il aime tant et, bien sûr, sa fidèle Remington - puis part retrouver son ami Thierry qui l'attend à Belgrade. «Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt, c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait.» Dès les premières lignes de "L'usage du monde", le ton est donné. Le jeune Genevois n'est en quête ni d'exotisme ni - encore moins - d'exploit. Tout au long des routes de Yougoslavie ou d'Iran, il va appliquer à la lettre la célèbre définition stendhalienne de l'écriture: «Un miroir promené le long d'une grande route.» Le miroir de Nicolas Bouvier sera précis, souvent joyeux, parfois grivois, toujours élégant.

Des rencontres à n'en plus finir : Les deux amis partagent des melons avec des peintres de Belgrade, fraternisent avec des Tziganes en Macédoine, restent prisonniers de l'hiver à Tabriz, boivent le thé dans les tchaikhans du désert iranien, sont sauvés par des routiers afghans... Dix-huit mois de bonheur magnifiquement résumés d'une phrase: «Si je n'étais pas parvenu à écrire grand-chose, c'est qu'être heureux me prenait tout mon temps.»
Le 5 décembre 1954, Nicolas Bouvier atteint la Khyber Pass et la frontière afghane. Le voyage s'achève sur une note mélancolique. «Ce jour-là, j'ai bien cru tenir quelque chose et que ma vie s'en trouverait changée. [...] Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous place devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme...» Un seul remède: l'écriture. Revenu dans sa maison de Coligny, près du lac Léman, entre deux crises de malaria, Nicolas Bouvier entame un long travail de «décantation». Il va durer huit ans.

Le manuscrit achevé, il sera refusé à la fois par les éditions Arthaud mais aussi par Gallimard. Il faudra attendre 1963 pour que la chance tourne et frappe à la porte de Nicolas Bouvier. Alain Dufour, un de ses vieux amis, a racheté, quinze jours plus tôt, les très austères éditions Droz. «Nicolas est venu me demander d'éditer "L'usage du monde", se souvient ce Genevois aux manières très policées. Droz ne publiait que des ouvrages érudits ou techniques mais, avec mon associé, nous nous sommes dit que nous ne regretterions jamais d'avoir sorti un titre de cette qualité.» D'ailleurs, ne fallait-il pas être le meilleur des amis pour publier ce livre presque carré dont la couverture bleu et noir s'ornait d'un... dindon, croqué par Thierry Vernet? Mais il s'agit d'une édition à compte d'auteur, dans laquelle Nicolas a investi les 3 000 francs du prix et toutes ses économies.
Après un très bon démarrage, les ventes du livre s'estompent peu à peu. L'ouvrage est même menacé de pillon.

Il faudra attendre 1992, pour que Michel le Bris, dans sa toute nouvelle collection Voyageurs Payot, publie à nouveau le livre. En couverture, le dindon cède la place à deux Kurdes moustachus assis face à face sur un âne. Le succès est immédiat. Et continue...

Le récit de voyage doit beaucoup à Nicolas Bouvier, je crois. Son style est limpide, son œil est précis et son écriture nous donne toujours l'impression d'être en accord avec la nature.

Nicolas Bouvier est mort en 1998. Pour moi, il reste un des plus grands poètes du XXème siècle.

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Commentaires
L
Très interessant ton article, et je suis contente que ma recette t'es plus:):)A plus<br /> Laure
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