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Enidm
5 mai 2009

Agafia

"Dans ma longue vie de grand reporter, aime à dire Vassili Peskov qui travaille depuis plus d'un demi-siècle pour le même quotidien moscovite, la Komsomolskaya Pravda, j'ai pu côtoyer de près des célébrités hors pair qui m'ont beaucoup impressionné. Je pense entre autres au maréchal Joukov, au cosmonaute Youri Gagarine, au savant voyageur Thor Heyerdahl... Mais la personnalité la plus intéressante que j'aie connue, la plus fascinante, la plus attachante, reste à mes yeux celle d'Agafia Lykova."

 

 

Voici deux livres qui ont changé ma façon de voir la vie : "Ermites dans la Taïga" et " Des nouvelles d'Agafia" de Vassili Peskov.

 


 

ermitesnouveau_agafia

 

 

Née en 1945, l'héroïne de Vassili Peskov est la dernière survivante d'une confrérie religieuse retirée dans la taïga depuis plus de trois cent ans. Par suite du Raskol, violent schisme ayant déchiré l'Eglise russe au XVII siècle, ses ancêtres avaient choisi la "vieille foi" contre la Réforme pour mener un mode de vie érémitique à la marge du monde, et ce, jusqu'aux premières années du pouvoir soviétique où, persécutés, ils avaient pris le maquis sibérien. Commençait alors en plein XX eme siècle une incroyable robinsonnade d'un demi-siècle, à quelque deux cents kilomètres à vol d'oiseau de la frontière mongole, contrée ingrate, glacée et accidentée.

 

L'année 1928 fut celle du dernier contact de la famille Lykov avec le "siècle", c'est-à-dire avec le monde humain. 1978 fut celle de leur émouvante redécouverte par un groupe de prospecteurs géologues.

 

Les Lykov étaient une famille de cinq personnes : Le vieux Karp Ossipovitch Lykov avaient 80 ans ; son fils aîné Savvine, 56 ; Natalia, 46 ; Dmitri, 40 ; la cadette, Agafia allait sur sa 39 ème année. La mère de famille, Akoulina, était morte épuisée en 1961, année de disette. Au prix d'un labeur éreintant, les ermites vivaient de leur potager qu'ils cultivaient avec un fonds de semence vieillissant.

 

Vassili Peskov révéla l'aventure au grand jour en 1982. Il passera des années à rendre visite à cette famille et à relater ses discussions avec eux et leur mode de vie dans son journal. On ne peut que s'attacher à cette famille qui découvre (avec plus ou moins d'enthousiasme!) à nouveau ce siècle qu'ils avaient chassé de leur vie. Les ermites entretenaient des rapports distants, mais cordiaux et dignes, avec les géologues du campement voisin, grâce à quoi ils s'initiaient en douceur aux nouveautés du monde.

Au fil des années, il ne reste de la famille que le père Karp Ossipovitch et la plus jeune des filles Agafia. "Ermites dans la taïga" retrace donc leur découverte, leur histoire et la survie du père et la fille.

 

 Le sujet est vraiment surprenant et cela remet en cause notre propre mode de fonctionnement en ce début de xxi ème siècle. Comment une famille peut vivre éloigné des hommes et en totale autarcie! Cette histoire a conquis le cœur de la Russie à l'époque. Et l'on comprend pourquoi!

 

A la fin d'"Ermites dans la taïga", le père karp Ossipovitch meurt. Agafia reste seule mais reste fidèle à son mode de vie et à sa famille. Elle refuse de partir et préfère rester seule mais chez elle comme elle dit. Vassili Peskov, avec l'aide de beaucoup de gens (le seul accès qui existe nécessite un hélicoptère et cela coûte très cher!), viendra prendre des nouvelles d'Agafia autant de fois qu'il le pourra. C'est ce qu'il relate dans "Des nouvelles d'Agafia", le second tome. Agafia vieillit au fil des années et tombe malade mais ne voudra en aucune manière quitter son bout de terre, qui est finalement tout ce qu'elle possède au monde. Durant ce temps, elle aura la visite d'autres personnes voulant s'éloigner du "siècle" et qui vivra, plus ou moins longtemps, auprès d'elle. En effet, cette vie érémitique attire mais reste très dure.

 

Nous quittons Agafia en 2008, toujours vivante, installée avec ses chats, son potager et son isba. Et on ne peut plus se réveiller le matin sans avoir une petite pensée pour elle.

 

 

 

 

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